Gestion des forêts communales : La futaie Irrégulière, l'avenir de la planète (ACCOB)
Petite "Formation" sur la gestion de la forêt en ligne.
Beaucoup d'entre nous ne connaissent pas les termes techniques utilisés en gestion forestière.
Notre association fait tout son possible pour changer la gestion de la forêt en place à Oloron Ste Marie (Gestion en futaie Régulière) vers gestion dite futaie Irrégulière.
(décembre 2021)
Vous pourrez lire ci-dessous la différence entre les deux façons de gérer une forêt communale, domaniale.
Aujourd'hui, l'Europe, le GIEC, l'ONU et quantité d'autres organismes, scientifiques, reconnaissent qu'une forêt qui conserve tous les
étages est la meilleure (seule) façon de nous sauver, de sauvegarder la planète du réchauffement climatique.
- Par ailleurs, nous avons organisé une journée de formation à ce sujet à la Mairie d'Oloron avec un forestier, spécialiste en la matière (Syndicat ONF : SNUPFEN) , qui a expliqué comment
"convertir" une futaie régulière (jeune ou ancienne) en irrégulière (ou jardinée).
Compte rendu de cette réunion disponible ci-après.
GIEC : (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat)
Bonne lecture.
Cliquez pour agrandir.
COMPTE-RENDU DE L'EXPOSE DE DANIEL PONS SUR LA GESTION DE FEUILLUS EN FUTAIE IRREGULIERE / futaie régulière et de la sortie terrain au canton forestier du Bager LE 03 /12/2021, A OLORON- SAINTE- MARIE
Présents : Daniel PONS, forestier à la retraite, militant syndical au Snupfen/solidaires
ACCOB : Jean-Claude Dutter, Louis Gandon, Francine Begards et Michèle Lieven.
INVITES :
Elus.es : 1 Oloron – 1 Navarrenx
Une dizaine de personnes : Associations et particuliers
Chacun se présente, puis Daniel Pons commence par un peu de toponymie : « Lasseube », lieu de résidence d'un invité vient du latin « sylva » qui signifie la forêt, endroit sauvage et dont la déclinaison sémantique est la suivante : la seube > la sèbe> la selve puis la sylva
Il poursuit avec la définition du mot « sylviculture », science de la culture de la forêt, science qui existe depuis longtemps et selon des modes différents en fonctions de périodes historiques.
Quel que soit le modèle retenu il est toujours en étroite relation avec les demandes sociales et proto-industrielle (salines, verrerie, forges etc.) les potentialités du sol, la morphologie du terrain, les dessertes des bois possibles (les rivières et fleuves autrefois…), le climat…
Aujourd’hui nous relevons globalement 5 grands types de sylviculture
1. Le taillis simple : sert pour la production de bois de chauffage.
2. Le taillis sous futaie (tsf) : sert pour la production de bois de chauffage et de bois d’œuvre.
3. La futaie régulière et la futaie irrégulière : assurent principalement la production de bois d'œuvre utilisé par les charpentiers, les ébénistes, les menuisiers, l’industrie. Elles se gèrent sur le temps long, 120 ans pour les hêtres, 150 ans voire plus pour les chênes.
4. La conversion qui est un modèle de sylviculture transitoire d’un modèle à un autre et qui est déployée sur plusieurs décennies parfois : de la tsf vers la futaie par exemple
5. La forêt paysanne : est liée à l'exploitation agricole qui fait partie de la ferme et a été principalement orientée vers la production de bois de feu et accessoirement du bois d’œuvre pour les réparations des bâtiments par exemple.
Aujourd’hui deux modèles de sylviculture se détachent et peuvent se répartir en forêt en fonction des altitudes :
1. La forêt dite en « futaie régulière » de 100 à 800 m d’altitude que l’on trouve essentiellement en forêt de plaine avec comme essences les chênes rouvre et pédonculé, le hêtre, le charme, le bouleau, les érables, les merisiers et le frêne etc…
2. La forêt dite en « futaie irrégulière », de 800 m d'altitude et au-delà que l’on trouve principalement en montagne avec comme essences le hêtre, le sapin pectiné, l’épicéa commun, le pin à crochet, le pin sylvestre, les mélèzes, les érables et frêne, le sorbier des oiseleurs, l’if, l’orme des montagnes etc.
Ces deux types de forêt répondent à des contextes très différents :
• Dans un contexte montagnard les abats d’eau et de neige exigent un couvert continu et uni pour réduire les risques générés par les glissements de terrain, les coulées de neige, l'érosion par exemple.
• Alors qu'en plaine le principal problème est lié à la canopée et aux demandes des essences de lumière qui ont besoin d’un éclairage le plus direct possible du soleil pour réaliser la photosynthèse
La futaie régulière assure la production de bois d'œuvre sur le temps long ; c'est un modèle très dirigé par la main de l’homme. Sur une même parcelle, qui est une unité de gestion, est conduite la même essence dont les arbres ont le même âge, donc le même diamètre. Ce modèle est reproduit sur l'ensemble de la forêt par classes d’âges : 0-20 ans, 20-40 ans etc… Comme dans un semis de carotte, on effectue des éclaircies pour mener ces arbres à leur moment d’exploitabilité économique optimal entre 100 et 120 ans pour le hêtre par exemple. Une coupe définitive qui enlève les derniers arbres marquera la fin du cycle.
Le plan d'aménagement de la forêt prévoit donc des coupes d'éclaircies, des moments de régénération naturelle et une coupe définitive en fin de cycle. La régénération s’effectue sur des parcelles bien définies par le plan d’aménagement
Ex : une glandée est annoncée, c’est-à-dire ce moment où les chênes produisent des glands qui lèveront au printemps suivant et assureront le renouvellement de la forêt : à partir de ce-moment-là la parcelle prévue en régénération rentre dans ce cycle de renouvellement qui peut s’étaler, suivant les essences, de quelques années à 20/25 ans.
Cette méthode de la futaie régulière, de prime abord naturel, présente des inconvénients :
1 . Artificialisation de la forêt en classe d’âge
2 . Difficulté à mettre en place une telle artificialisation au regard des risques climatiques (tempêtes, pollutions atmosphérique …) ou physique (incendie…)
3. Un changement du paysage lors des coupes de régénération particulièrement brusque lors de la coupe définitive
4 . Perte de la diversité car les différents étages de végétation des parcelles en régénération disparaissent aux moments des coupes de régénération.
5 . Moindre fixation de carbone car les « vieux » arbres arrivés au bout du cycle économique et qui vont être abattus captent plus de carbone que les jeunes, ceux-ci ne capteront du carbone qu'au bout de 30 voire 40 ans.
Par contre menée dans les règles de l’art elle peut assurer une croissance lente des arbres avec des cernes de croissance régulier recherchés pour l’industrie des merrains et du tranchage par exemple pour le chêne.
La futaie irrégulière assure aussi une production de bois d’œuvre et est d'une gestion qui semble à priori plus complexe : on est plus près de la nature et de l’écosystème forestier, dans une approche « douce », en opposition avec le modèle régulier dominant qui semble de fait plus « radical ».
Historiquement, le modèle irrégulier a d'abord existé dans le Jura et les Vosges avec la proximité et l'influence des pays limitrophes notamment la Suisse. Il était désigné et est désigné encore sous le nom de futaie jardinée. Il a été plutôt combattu par l'Administration Forestière Française en opposition avec la gestion de la futaie régulière car cette dernière permet d’une façon générale un suivi comptable des régénérations plus facile de la forêt.
En opposition, la futaie irrégulière exige et invite à des connaissances plus fines du fonctionnement de la forêt, une connaissance intime de l'écosystème pour connaître et apprécier notamment le dosage de lumière du sous-bois et accompagner sa régénération par exemple. D’autre part ce modèle permet de s’accommoder plus facilement de l’héritage forestier précédent c'est-à-dire des peuplements en place issus de l’histoire de la forêt mais aussi des accidents climatiques.
Le principe de la forêt irrégulière est de copier le fonctionnement naturel de la forêt. Il convient donc de garder de la naturalité tout en récoltant le bois dont on a besoin. En futaie irrégulière lors des martelages des coupes de bois, on mène donc tout de front : éclaircies sélectives, régénération de la forêt, récolte sanitaire éventuelle, choix patrimonial et esthétique, biodiversité, etc… ...car dans une forêt naturelle en libre évolution la diversité est présente partout : essences variées à des stades différents, diamètres multiples … un milieu donc bien plus complexe : ainsi pour une gestion en futaie irrégulière l’on parle aussi d’une sylviculture « proche de la nature »…
Un résumé global
Image ci-dessous.
Différents points de vue :
La futaie irrégulière a été introduite progressivement dans les années 80 en France par les forestiers privés de l’association Pro Sylva. Petit à petit ce modèle s’est installé en forêt privée puis plus lentement a commencé à être intronisé en forêt publique.
Dès les années 2010 les habitants de la région parisienne se sont mobilisés pour défendre leur environnement et ont obtenu gain de cause auprès de l’ONF avec la mise en place dans les forêts domaniales de la futaie irrégulière et donc plus de coupes rases.
Pour l’Administration forestière une bonne gestion de la futaie irrégulière repose sur une connaissance approfondie de l'écosystème pour accompagner la forêt dans sa régénération, ce qui, selon l'Administration semble particulièrement difficile pour les essences de lumière comme les chênes par exemple.
Aujourd’hui le rôle principal dévolu à l'ONF serait de mettre du bois sur le marché, d’où une attention plus importante à la futaie régulière plus facile à gérer et plus facile d’exploitation. De fait nombre de forestiers sont en situation de résistance contre cette situation « politique » où cette orientation marchande est peu respectueuse des arbres et de la forêt.
La forêt d’Oloron ste Marie : le canton forestier du Bager
Un dénivelé de 150 m existe entre le bas et le haut de la forêt du Bager : il existe donc de grandes différences aux niveaux des potentialités des sols qui sont aussi accentuées avec les expositions. Cette forêt de par ses situations de terrain mais aussi de par son histoire sociale et forestière est tantôt régularisée tantôt très irrégulière notamment au niveau des diamètres des arbres avec aussi une prédominance du hêtre.
Quelle stratégie faut-il mettre en place pour irrégulariser cette forêt progressivement ?
Elle est principalement constituée de hêtre qui en tant qu’essence d’ombre à tendance à dominer et donc à éliminer toutes les autres essences : il convient ainsi de mettre en place une sylviculture pour faciliter le maintien et la dispersion des chênes et ainsi favoriser la diversité de l'écosystème forestier. Une conversion de la futaie régulière ou des peuplements historiques installées vers une irrégularisation progressive des peuplements et une futaie irrégulière est donc possible sur un long terme. Un cheminement possible serait l’observation des dynamiques en cours en s’appuyant sur la phytosociologie par exemple notamment aux niveaux des parcelles qui ont été régénérées depuis 40/50 ans. Il est aussi possible que cette dynamique ne soit pas la même en fonction des différents cantons de la forêt communale, des expositions, des natures de sols, des prépondérances de telles ou telles essences. Il s’agit d’un long travail d’observation du fonctionnement de l’écosystème forestier.
Le bois mort, qu'il soit sur pied ou au sol, doit être repéré et gardé. Les arbres-habitat porteurs de « dendro-microhabitat » ont des rôles essentiels pour la faune et la flore : chacun de ces arbres permet à des champignons, des animaux ou des plantes de vivre, de coloniser un espace. Ils sont indicateurs de la vitalité de l’écosystème forestier et de la position de son cycle sylvicole.
Certains aspects de l'aménagement forestier prévu par l'ONF et proposés à la municipalité peuvent paraître ambigus :
• Que penser en effet des rideaux de forêt proposés le long des cours d'eau pour les protéger via une gestion irrégulière qui posent cette question : peut-on réellement asseoir un régime de futaie irrégulière dans un seul but de protection d’un cours d’eau ? comment alors est pensée la gestion irrégulière sur de telles bandes forestières, c'est-à-dire quelle est sa signification réelle ?
• Ou bien ces rideaux de forêt le long des chemins de randonnées pour cacher à la vue une vaste étendue de forêt régulière en situation de régénération derrière ! Quel sens donne le gestionnaire public à ce qui nous semble être une puérile mystification ?
Le propriétaire et le gestionnaire doivent prendre en compte le fait que la futaie irrégulière produit du bois d’œuvre de qualité avec des revenus étalés équitablement et régulièrement dans le temps pour chaque conseil municipaux…
Les îlots de senescence permettant de laisser des arbres en libre évolution sont à favoriser, conserver et faire connaître
Le réchauffement climatique nous impose une action politique dans le sens d’une prise de décision posée et réfléchie : la forêt est un puit de carbone et particulièrement les gros bois et très gros bois. Il convient donc de les favoriser. Le sol organique est également un lieu de stockage reconnu du carbone et il convient donc de ne pas le dénuder par les coupes définitives du modèle régulier… seul un couvert continu peut assurer cette protection…
Il existe notamment à Besançon, un « Conseil de la Forêt » au sein duquel des citoyens travaillent et interviennent pour essayer d’expliquer au Conseil Municipal les choix proposés par le gestionnaire et ainsi éclairer et influer sur les choix des élus : la connaissance de la forêt progresse notamment la découverte de sa complexité et de sa transversalité.
Les aménités de la forêt – protection de l’eau, influence sur le climat, la biodiversité, lieu donnant du bien-être, la spiritualité, la beauté des paysages constituent un élément parfois récent et pas encore suffisamment pris en compte dans les gestions forestières classiques. Les choix des élus mais également la culture de notre société reposent encore trop sur la rentabilité même si cela depuis 10/ 15 ans bouge.
La séance est levée à 12h10.
Secrétaire ACCOB
✔️ Seconde partie de la Formation sur le terrain :
L'après midi, nous avions convenu de nous retrouver à 14 h à la Borne 12 pour aller sur deux parcelles choisies par Daniel le jour avant.
Direction parcelle 114 en empruntant le chemin de Laguns. Une petite centaine de mètres de la route et nous voilà sur une zone où le sous-bois avait été rasé il y a environ trois
ans, pour favoriser la régénération naturelle. (Gestionnaire)
Daniel explique ce qu'il voit, ce qu'il en est, avec toutes les précisions du professionnel qu'il est.
Et là, à ma grande surprise, je n'en crois pas mes oreilles !
Cette parcelle, vouée prochainement à une coupe rase, comme cela se passe depuis des dizaines d'années à Oloron, eh bien, pour lui c'est comme il l'explique "un sacrifice" pour
la commune.
Effectivement, quand il nous montre, "pied à pied" chaque arbre, on se rend compte que nous sommes en fait selon lui, dans une forêt
dites irrégulière.
Il montre deux très gros hêtres qui eux pourraient être abattus. Ce faisant, cela laisserait de la lumière pour jeunes arbres qui pointent juste à côté ; un chêne d'une quarantaine
d'années serait également favorisé et la vente des GA apporterait un revenu à la commune. Il précise qu'il est nécessaire d'en conserver pour préserver notamment la biodiversité inféodée aux
vieux arbres.
Voilà une découverte pour moi (et tous.tes) qui croyais bien connaître cette forêt !
Je n'avais pas conscience que j'étais dans une zone de futaie IRREGULIERE puisque l'ONF avait vidé le sous-bois dans le but de tout couper par la suite.
Merci à Daniel PONS pour nous avoir ouvert les yeux.
Il nous a parlé de sacrifice pour la commune* parce que si une coupe rase était effectuée ici, une grande partie de cette forêt est
constituée d'arbres jeunes et moyens, qui sont l'avenir "des revenus des municipalités qui suivront". (pour ne parler que des revenus financiers)
Une bonne leçon pour nous tous ce jour là !
Nous demandions en réunion de COPIL que toute la forêt soit gérée en futaie Irrégulière, voilà qui conforte notre position.
Une autre information importante :
Daniel nous assure que la gestion en forêt irrégulière apporte le même revenu financier que la gestion en futaie Régulière actuelle.
Voilà qui devrait permettre à nos élus de voir l'avenir des forêts d'Oloron d'un autre œil me semble-t-il, mais aussi d'entendre ce que notre association (et d'autres) avance
durant les précédentes réunions.
Photo sur les lieux. (Parcelle 114)
*Sacrifice d'exploitabilité : Ainsi s’attache-t-on à récolter les arbres en fonction de leur valeur individuelle, des dimensions optimales d'exploitabilité et de leur qualité. Cela, en évitant les sacrifices d'exploitabilité, qui varient selon les essences, ce qui signifie que l’on évite au maximum d’enlever un arbre de qualité qui n’aurait pas atteint la dimension optimale pour une valorisation maximale de la grume.
Réf : https://ecotree.green/blog/coupe-rase-et-coupe-jardinatoire-explications
Si vous avez un peu de temps à accorder à la défense des forêts, de l'eau... simplement quelques heures, nous vous accueillerons très volontiers dans notre équipe.
Comme des colibris.
"Les colibris agissent chacun et chacune à leur échelle pour peser sur les orientations de leur territoire, et démultiplier les actions citoyennes".
Vous voulez nous aider, écrire ICI ou 06 95 75 30 40
Ici, on travaille pour protéger la forêt, l'eau, en Haut-Béarn, mais on est aussi une Antenne de SOS Forêt et TPAMF pour défendre les forêts de toute la chaine des Pyrénées.
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